L’établissement et le maintien des communications peuvent être une source de difficultés dans n’importe quel type d’environnement. Les appareils qui fonctionnent bien dans une certaine région du globe peuvent s’avérer peu fiables dans d’autres endroits. Bien que chaque biome comporte ses propres obstacles à surmonter, les régions polaires sont possiblement l’une des zones les plus ardues dans lesquelles intervenir, et ce, particulièrement pour les professionnels des communications.
Ceux et celles qui ne se sont pas encore aventurés aux extrêmes confins de notre planète doivent savoir qu’ils devront faire preuve de cran et être préparés convenablement pour remplir leur mission dans les conditions intenses des régions de l’Arctique et de l’Antarctique. Certains des obstacles courants de ces zones comprennent les températures basses, une faune singulière et parfois dangereuse, le relief accidenté, l’isolement et les conditions atmosphériques susceptibles de causer des dommages aux appareils de communication.
Si vous planifiez des opérations dans les régions polaires, vous devez bien connaître les difficultés auxquelles vous ferez face en ces lieux. Fort heureusement, plusieurs membres de l’équipe de Base Camp Connect ont acquis de l’expérience de travail pertinente dans ces régions. Le présent article aborde certaines des difficultés auxquelles nous avons dû faire face et la façon dont nous avons surmonté chacune d’elles.
Préoccupations environnementales
Les régions polaires sont les zones les plus froides de la planète. En raison de l’inclinaison de la planète, les pôles ne reçoivent la lumière du soleil qu’à un angle faible. Par conséquent, la température peut atteindre des niveaux record. Dans l’Arctique, la température la moins élevée a été enregistrée à -69,6°C (-93,3°F) et dans l’Antarctique, une température inimaginable de −89,2°C (−128,6°F) a été notée.
Le relief des régions polaires varie, et chacun de leurs pôles présente des différences importantes avec l’autre. La connaissance du paysage propre à chacun vous aidera à vous préparer à une expédition vers ces endroits isolés.
L’Antarctique est communément divisé en trois zones. Les deux zones les plus grandes sont celles de l’Antarctique de l’Est et de l’Ouest, qui sont séparées géographiquement par les chaînes de montagnes transantarctiques. La troisième zone est la péninsule Antarctique. De façon générale, la majeure partie de l’Antarctique est couverte de glace, contrairement à certaines caractéristiques uniques du relief comme les deux volcans actifs du continent.
Image: Île de Cornwallis à -70°C
L’Arctique est légèrement différente; elle se décline d’ailleurs en trois zones. La zone la plus méridionale est la toundra. Il s’agit d’un désert polaire situé en hautes latitudes, dont fait partie l’Alaska, le Canada, la Russie, le Groenland, l’Islande et la Scandinavie ainsi que quelques îles. Sous ces paysages désertiques dépourvus d’arbres se trouve un type de sol gelé depuis au moins deux ans qu’on appelle le pergélisol.
Les deux zones suivantes direction nord sont la région subarctique et l’Arctique en soi. La région subarctique est l’aire de transition entre la toundra et l’Arctique. Ce dernier est essentiellement composé d’une combinaison de glaces flottantes et d’amas de glaces. Dans ces conditions, la glace est d’une épaisseur de 2 à 3 mètres (de 7 à 10 pieds) et flotte sur l’océan Arctique.
Les conditions météorologiques dans les régions polaires sont caractérisées par des étés frais et des hivers glaciaux. De forts vents, des tempêtes et diverses formes de précipitations peuvent s’y produire, quoique moins fréquemment que la plupart des gens puissent le penser. L’Antarctique, par exemple, est techniquement un désert et il reçoit extraordinairement très peu de chutes de neige par année. En outre, ce qui tombe ne fond pas et s’accumule au fil du temps pour former de la glace de glacier.
Faune polaire
Les animaux des régions polaires se sont adaptés remarquablement à la vie dans ces conditions hostiles. Chaque pôle a sa propre diversité d’habitants. Bon nombre de ces animaux ont peu d’interaction avec des humains, voire aucune, particulièrement en Antarctique. Bien que la plupart ne présentent aucune menace aux opérations dans les régions de l’Arctique et de l’Antarctique, on doit éviter d’approcher certains de ces animaux, dont l’ours polaire et le léopard de mer.
Les animaux que l’on retrouve généralement dans la région de l’Antarctique comprennent différentes espèces de pingouins, de baleines, de phoques et d’oiseaux ainsi que certains invertébrés. Parmi les animaux qui peuplent l’Arctique, on compte l’ours polaire, le renard arctique, le lièvre arctique, le caribou, l’orignal et le bœuf musqué de même que différentes espèces de baleines et d’oiseaux.
Image: 2 morses en Arctique
Difficultés liées aux communications
L’équipement de communication est un élément essentiel de toute opération polaire. L’établissement et le maintien des communications avec votre équipe et les équipes de soutien sont un aspect critique à la réussite d’une mission. Or, vous serez à même de constater que plus vous vous approcherez des pôles, plus les communications deviendront difficiles. Dans ces zones, l’Internet est presque non existant, les radios à haute fréquence (HF) rencontrent des problèmes et les communications satellite ne sont pas toujours fiables. Aux endroits où les liaisons satellite sont accessibles, l’accès peut s’avérer coûteux et lent en raison d’une bande passante limitée.
Durant les années 70, les radios à HF représentaient le meilleur moyen de communication. Les communications sur les ondes radio à HF ont constitué une avancée significative, mais elles comportent leur lot de contraintes. La couche ionosphérique de l’atmosphère s’étend sur à peu près 80,5 km (environ 50 milles) de la surface terrestre jusqu’à l’espace et change constamment. Parfois appelé « météorologie spatiale », le système Soleil-Terre peut générer des fluctuations magnétiques susceptibles d’entraîner des perturbations aux communications radio à HF. En outre, le besoin en matière de données s’est accru vers la fin du vingtième siècle au point où on a commencé à remplacer les radios à HF par les communications satellite. Cette transition a eu pour effet de rendre les compétences en radio à HF plutôt désuètes.
Au cours des années 80 et 90, les communications satellite sont devenues plus accessibles. Des sociétés comme Iridium et Thuraya offrent actuellement ce genre de couverture dans les régions polaires. De façon générale, le service ne convient qu’à la communication vocale et qu’à de faibles taux de transfert de données. La couverture change constamment, et Iridium est habituellement le meilleur réseau de communication à privilégier dans des régions polaires. Or, la nouvelle technologie en communication satellite continue à repousser les limites des communications dans les régions polaires.
Les satellites en orbite basse (LEO) sont parmi ces avancées technologiques. Les signaux franchissent bien mieux le vide spatial. D’ordinaire, un satellite LEO demeure en vol orbital de sept à dix ans, immédiatement au-dessus de l’atmosphère terrestre. Les satellites LEO font ainsi constamment l’objet de modernisation et d’amélioration. Au fil du temps, il est fort à parier que les satellites LEO assureront une meilleure couverture et de plus grandes vitesses de transfert de données que les systèmes terrestres.
Comme vous pouvez certes l’imaginer, l’accessibilité à Internet en région polaire est en deçà de ce qui est souhaitable. Il existe une certaine couverture dans les environs des villages, mais tout signal est perdu dès qu’on se trouve à quelques kilomètres de ces localités. Or, de nombreuses sociétés de télécommunication ont tenté d’installer des câbles de fibre optique. Mais le manque de financement et l’ampleur même des projets n’ont laissé que des lignes de fibre optique partiellement achevées. Toutefois, de nouveaux développements sont encore en chantier et contribuent à garder vivant l’espoir qu’un meilleur service d’accès Internet et des vitesses accrues parviendront éventuellement en région polaire.
Image: Cplc Simon Bérard qui installe une antenne satellite Galaxy BroadBand à Baie Resolute au 75ième parallèle pour atteindre le satellite géostationnaire. Le 35e Groupe-brigade du Canada a été déployé sur l’île de Cornwallis pour l’exercice annuel de l’OP Nanook.
Selon l’expérience de notre équipe, les communications radio à HF et satellite conjuguées offrent la meilleure combinaison de couverture et de capacité en matière de communication. Ainsi, nous vous recommandons d’envisager l’utilisation des deux types d’appareils de communication pour assurer une efficience et une fiabilité accrues.
Conseils de réussite
Le meilleur conseil en matière d’opérations en région polaire consiste à se préparer à chaque intervention selon une planification appropriée. Rappelons que, une fois dans l’Arctique ou l’Antarctique, il sera difficile d’acquérir de l’équipement ou des fournitures que vous aurez omis d’apporter. Il faut ainsi envisager chaque aspect de votre périple. De quoi aurez-vous besoin pour atteindre votre destination finale? Quelles tâches aurez-vous à effectuer dans la zone une fois sur place? La couverture sera-t-elle suffisante aux communications? De quoi aurez-vous besoin pour le retour?
Aucun détail n’est superflu quand il s’agit de se préparer pour une mission polaire. En outre, il importe d’intégrer la redondance dans votre plan. Si vous n’avez qu’un seul appareil pour effectuer une tâche précise, qu’arrivera-t-il si l’une de ses composantes s’endommage en route? Comment réparer ou remplacer cette pièce brisée? Pourrez-vous tout de même accomplir votre mission? Si vous élaborez des plans détaillés et y intégrez des redondances, vous mettez les meilleures chances de réussir de vote côté.
Le réapprovisionnement est également un facteur important à prendre en compte dans la planification. Les villages n’auront fort probablement pas de matériel technique ou d’équipement de remplacement. On doit prévoir la nourriture, l’essence et l’eau nécessaires de même que d’autres essentiels. D’ailleurs, il n’est pas rare dans les régions polaires que des blizzards et des tempêtes de neige subites durent plusieurs jours. La météo peut aussi brouiller les communications. Il faut ainsi se rappeler de prendre des arrangements avec les villages à l’avance ou de mettre en place des fournitures à d’autres endroits. Pour faire bonne mesure, ne laissez jamais vos fournitures essentielles s’épuiser à en deçà de trois à quatre jours de rations.
Dans l’Arctique, vous devrez vous protéger des ours polaires. Les changements climatiques ont réduit les sources de nourriture de ces animaux, les forçant à s’approcher des lieux habités. Ne laissez jamais de nourriture en plein air. Si vous êtes près d’un village, les chiens offrent une certaine protection. Mais notre meilleur conseil, c’est de toujours avoir au moins une vigie armée d’une carabine dans les zones d’habitation des ours polaires.
Capt Pierre Frenette, G6 35e Brigade, supervisant l’alignement d’une antenne satellite à Baie Resolute durant l’Op Nannook.
Le temps froid peut avoir des effets dommageables sur votre équipement, voire nuire à la qualité de votre travail. Il serait utile de préparer de l’équipement qui peut résister aux températures extrêmes. Par exemple, les câbles coaxiaux doivent être résistants au froid extrême, sinon ils se briseront comme du verre lorsque vous les enroulerez avant de vous déplacer vers d’autres endroits. Tout ce qui contient du liquide peut également geler, dont les moteurs et l’équipement pneumatique.
Dans certains cas, vous devrez changer l’équipement que vous utilisez selon l’époque de l’année. Les ancrages que vous choisirez pour fixer vos mâts d’antennes sont un excellent exemple. Le pergélisol est extrêmement dur et nécessite des vis à glace pour maintenir une antenne en place. En revanche, le pergélisol peut se transformer en une mer de boue en été. Des ancrages d’une longueur de plus de deux mètres (six pieds) pourront être nécessaires pour atteindre le sol suffisamment ferme afin d’y ancrer des structures.
Par ailleurs, les gens ont tendance à modifier leur comportement lorsqu’ils travaillent dans des environnements froids. Il est toujours possible qu’ils terminent leur travail rapidement, afin de rentrer se protéger du froid. Dans les régions polaires, vous travaillerez rarement seul; d’ailleurs, deux fois plus de personnes sont requises pour des raisons de sécurité. Utilisez le système de jumelage, afin de vous assurer de réaliser le travail correctement la première fois et d’éviter des erreurs coûteuses qui surviennent quand on termine un projet trop à la hâte.
Grâce à une planification et une préparation convenable, on peut surmonter les difficultés liées aux opérations en région polaire. Ceux et celles qui envisagent de travailler dans ces zones devraient ainsi tenir compte des adversités particulières auxquelles ils seront confrontés en travaillant dans ces régions extrêmes des hémisphères nord et sud.
Les professionnels des communications voudront s’assurer de bien connaître les effets indésirables de l’environnement, de la météo et des températures extrêmes de ces régions polaires sur l’équipement tout comme sur la propagation du signal. Comme c’est le cas pour la plupart des interventions, il est toujours souhaitable de discuter avec des personnes qui ont véritablement été déployées dans ces régions inhospitalières avant d’entreprendre votre périple. N’hésitez pas à communiquer avec notre équipe pour en apprendre davantage à propos des opérations menées avec succès dans les régions polaires.